eugénisme dans l'art tpe
eugénisme dans l'art tpe
De quelle manière l'eugénisme est-il représenté dans les oeuvres artistiques et littéraires au cours du XXème siècle ?
L'art au service de la propagande eugéniste nazie
« L'âme de la masse n'est accessible qu'à tout ce qui est entier et fort [...]. La masse préfère le maître au suppliant, et se sent plus rassurée par une doctrine qui n'en admet aucune autre auprès d'elle. La tolérance lui donne un sentiment d'abandon; elle n'en a que faire[...].
La faculté d'assimilation de la grande masse n'est que restreinte, son entendement petit, par contre son manque de mémoire est grand. Donc toute propagande efficace doit se limiter à des points forts peu nombreux, et les faire valoir à coup de formules stéréotypées aussi longtemps qu'il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l'idée [...].
La grande masse d'un peuple ne se compose ni de professeurs, ni de diplomates. Elle est peu accessible aux idées abstraites. Par contre, on l'empoignera plus facilement dans le domaine des sentiments et c'est là que se trouvent les ressorts secrets de ses réactions.» Adolf Hitler, Mein Kampf, 1925.
1) La propagande et ses outils
En latin, propaganda est l'adjectif verbal signifiant « ce qui doit être propagé ».
La propagande est l'action de diffuser, de faire connaître, de faire admettre une doctrine, une idée, une théorie politique. Son but est d'influencer l'opinion publique, de convertir, de mobiliser ou rallier des partisans. La propagande complète la censure, car elle opère dans le même but, c'est à dire contrôler les gens,
Il y a plusieurs façons de pratiquer la propagande, selon le but, la personne qui l'emploie et la personne à qui elle est destinée. Elle peut jouer sur différents registres, comme la peur, l'autorité, le transfert, l'effet « moutonnier », le stéréotype, etc. Elle comporte bien souvent une part de reconstruction de la réalité, voire de mensonges et privilégie la manipulation des émotions, au détriment des capacités de raisonnement et de jugement.
Plusieurs moyens sont possibles pour diffuser un message de propagande, ceux-ci évoluant considérablement avec les connaissances et les progrès techniques. Les principaux sont les photos avec montage, la télévision, le cinéma, la radio, les journaux, l'éducation à l'école, la publicité, les livres, pièces de théâtre, internet, sondages biaisés...
La propagande est donc un ensemble de moyens écrits, sonores ou visuels mis en œuvre pour délivrer un message politique. Son utilisation par le régime nazi fut massive pendant la seconde guerre mondiale. Nous verrons comment à travers le cinéma, la peinture ou la sculpture, celle-ci fut diffusée. Les œuvres en question étaient destinées à mettre en valeur la race aryenne, idéal de l'homme parfait. Il s'agissait alors de faire mûrir, cultiver ainsi que d'entretenir le culte du mythe aryen.
2) Art nazi et propagande eugéniste
« L’art doit consister à attirer l’attention de la multitude [...], son action doit toujours faire appel au sentiment et très peu à la raison [...] L’art de la propagande consiste à être capable d’éveiller l’imagination publique en faisant appel aux sentiments des gens, en trouvant des formules psychologiquement appropriées qui attirent l’attention des masses et toucheront les cœurs [...]L’image, sous toutes ses formes, jusqu’au film, a encore plus de pouvoir sous ce rapport. Là, l’homme doit encore faire moins intervenir sa raison ; il lui suffit de regarder et de lire, tout au plus, les textes les plus courts.» Adolf Hitler, Mein Kampf, 1925.
a) Une œuvre cinématographique : Les Dieux du Stade
(Quelques images du film et biographie de la réalisatrice en annexes.)
L'image s'impose très vite comme le média privilégié, le support le plus adapté à la propagande politique. Les dirigeants comprennent très vite que les impressions visuelles sont extrêmement fortes, que la population oublie sûrement un article de journal, mais pas une image.
De plus, les règles fondamentales de la propagande politique sont facilement transposables au cinéma : principe de simplification et d'ennemi unique, règle de grossissement et de déformation, répétition des thèmes, accroche au démarrage, fin en apothéose, dissimulation, truquage, règle d'unanimité et de contagion comme moyen à la fois d'enthousiasme et de terreur...
Ainsi le film apparaît comme un discours sur la réalité, et non la réalité. Et le cinéma a ici pour but de distraire la population afin de lui imposer indirectement une idée. Il fonctionne sur la base du rêve, avec la volonté d'identifier le spectateur au héros.
En 1936, l’organisation des Jeux Olympiques de Berlin prend une signification politique très importante: plusieurs pays demandent le boycott des J.O. à cause de l’atmosphère xénophobe et antisémite véhiculée par le régime et par l’amalgame entre le sport, la politique et la propagande. Cet événement sportif sert en effet à montrer la puissance du pays et à faire la propagande du nazisme, montrer la supériorité de la race aryenne grâce à la manipulation des masses avec l’emploi de la démagogie qui est l’utilisation d’un discours flatteur pour s'attirer ses faveurs. L'Allemagne organisa habilement la promotion des Jeux olympiques avec des affiches colorées établissant systématiquement un lien entre l'Allemagne nazie et la Grèce antique. Elle se présente comme l'héritière légitime de l'idéal du type racial « aryen » de l’Antiquité classique : héroïque, blonds aux yeux bleus et aux traits fins.
« Olympia », ou « Les Dieux du Stades » en français, est un film documentaire réalisé en 1936 par Leni Riefenstahl, pendant les jeux Olympiques de Berlin. Séduite par le discours du führer, elle devient la réalisatrice officielle du III° Reich. Pendant les jeux Olympiques d’été de Berlin en 1936, Hitler demande à Leni Riefenstahl de filmer les J.O. qui accueillirent près de 4 000 athlètes de 49 nationalités différentes dont l’Allemagne qui écrasa ses concurrents, avec un total de 89 médailles, contre 56 médailles pour les États-Unis qui n’arrivent que deuxième. C'est une oeuvre à caractères multiples, qui peut être considérée comme film de propagande, documentaire sportif, ou véritable chef d'oeuvre compte tenu des moyens techniques, matériaux et artistiques novateurs employés par la rélisatrice.
Le sport étant utilisé comme moyen de propagande dans le régime nazi, ce film permettait de montrer les prétendues capacités physiques de la « race aryenne » comme étant supérieures à celles des autres « races ». Hitler prône en effet l'importance du « dressage du corps », qui doit servir à l'épanouissement de la race aryenne, appelée à dominer le monde. Le Führer confie donc la réalisation de ce film à Leni Riefenstahl qui avait déjà tourné un film de propagande Le triomphe de la Volonté pour le régime nazi. Il lui octroie des moyens colossaux. Leni Rieffenstahl exige pour son tournage des moyens exceptionnels afin de réaliser une oeuvre novatrice. L'équipe du film comprend plus de 300 personnes dont 40 cameramen. Ces derniers travaillent plusieurs mois avant les débuts des compétitions afin de mettre au point des techniques inédites
Elle inventa des caméras catapultes pour filmer les épreuves de saut à la perche, ainsi que le système de rails de travelling encore utilisé de nos jours qui permet d’installer une caméra sur des rails le long des pistes d’athlétisme pour filmer les sprinteurs tout le long, et mis en place des caissons submersibles afin de pouvoir filmer à la fois hors de l’eau et dans l’eau lors des événements aquatiques. Elle se munit également de stocks d’innombrables pellicules différentes afin de pouvoir filmer n’importe quelle scène avec n’importe quelle luminosité. Elle réussit là où beaucoup d’autres cinéastes échouèrent : synchroniser des images en mouvement avec toutes sortes de son, ce qui était difficile à l’époque. Les critiques et le public furent impressionnés par la synchronisation millimétrée des images avec la musique très cadencée, presque militaire d’Herbert Windt, qui inspire un sentiment de fierté, de gloire.
La durée du film est de 4 heures en tout, il est composé de deux parties : la première partie s’intitule "Fest der Völke" (Fête des peuples), elle représente l’histoire des anciens Jeux dans la ville d’Olympie, les traditions et elle relate les épreuves d’athlétisme. La deuxième partie "Fest der Schönheit" (Fête de la beauté) relate la fin des épreuves d’athlétisme ainsi que celles de gymnastique, d’escrime, de voile, d’équitation et de plongeon.
Plutôt que de coller à la réalité des compétitions, la réalisatrice cherche à reconstruire le geste sportif parfait en trouvant l'angle le plus flatteur, mettant en avant corps musculeux et muscles saillants, courses, saut et lancers à la géométrie parfaite. Les mouvements de foules compactes et remises de médailles magnifient la dramaturgie du stade.
La limite entre l'objectivité de la cinéaste et son point de vue est donc mince : par la démarche adoptée, le traitement du sujet, le montage et les techniques utilisées, elle propose une vision particulière et magnifiéee. De plus, ce film relate des événements qui se sont réellement déroulés, produisant un « effet de réel » qui capte le spectateur. Lors de sa présentation, le 20 avril 1938 à Berlin, pour l'anniversaire d'Hitler, le film connaît un véritable triomphe. Il fera polémique après la Seconde Guerre Mondiale. L'eugénisme est en effet le fond des Dieux du Stade, bien que sa réalisatrice s'en soit défendue. Elle déclare n’avoir jamais pensé à la politique du Führer et avoir eu pour seule conviction sa conception de l’art pour laquelle elle s'est consacrée.Toutefois, même avec les meilleurs intentions du monde, un chef d’œuvre comme celui-ci sert pourtant parfaitement les intérêts profonds d'une dictature.
Le cinéma allemand de cette époque se veut une source d'énergie pour le citoyen et un moyen de propager l'idéologie nazie à travers le monde. Une œuvre efficace de propagande consiste à ne pas voir la différence entre un film documentaire ou de divertissement et un film destiné à propager une idée. La population ne doit pas se rendre compte qu'il s'agit d'un objet de manipulation. Pendant la seconde Guerre Mondiale, rares sont les films avec une absence totale de propagande.
b) Une affiche : Les Gymnastes
« L'art est une fonction de la vie du peuple, à laquelle l'artiste, divinement inspiré donne son sens », Josef Goebbels, Ministre de la Propagande.
(Pour une description de l'affiche, merci de vous rendre en annexes.)
Le régime nazi veut ainsi se doter d'un art dit « officiel », outil de propagande sensé « informer » le peuple. Par la création d'un ministère de la Propagande, le régime se donne les moyens bureaucratiques, judiciaires et policiers de contrôler la vie culturelle. Ainsi, un style que l'on peut qualifier d' « hitlérien » s'impose à l'art, et l'âme allemande était, de l'avis des dirigeants nazis, représentée de la manière la plus adéquate dans la peinture.
Reprenant les thèses du régime, les peintres glorifient un homme nouveau, comme par exemple Gerhard Keil qui a peint en 1939 l'huile sur toile intitulée «Les Gymnastes». Cela fait trois ans que les Jeux Olympiques de Berlin ont eu lieu, et ce tableau en est un vague rappel. Keil apparaît être un repésentant de l'art officiel nazi.
Il s'agit d'une peinture à la gloire de l'homme aryen. Ces athlètes représentent en effet l'idéal aryen. Ce sont des grands sportifs, au corps athlétique, à l'esprit sain, la chevelure blonde, aux yeux bleus et à la démarche fière et déterminée. Les hommes serrent les poings en courant, le regard froid, droit, sans faille, la peur est inexistante, l'air hautain, évoquant une image de la détermination du régime nazie à procréer cette race. La force brute à l'état sauvage représentée par la musculature et les pieds nus est une référence à l'athlétisme et l'art antique. Cela est également représenté par l'arrière plan où l'on peut apercevoir un temple gréco-romain ainsi que des cyprès. Le sol est en perspective, on constate un ordre et un respect linéaire des proportions en conformité avec l'idéal d'ordre auquel aspirent les nazis. Le ciel est pur, comme la race rêvée par Hitler.
Ces hommes représentent l'homme aryen et sa puissance, cette peinture renforce le sentiment de force et de santé de ce peuple. Elle est destinée à être vue par un très large public. Le peintre ne cache pas son admiration pour l'idéologie nazie, le culte du corps, très présent notamment dans les jeunesses hitlériennes et les théories racistes de l'époque. Cette représentation encourage Hitler à dominer le monde, approuve son idée d'une nouvelle race.
A cette époque de conflit les affiches de propagandes ne s'arrêtaient pas seulement à celle de Keil. En effet elles étaient alors très nombreuses. En voici d'autres exemples plus ou moins célèbres. Leurs auteurs sont souvent anonymes: Un peuple s'entraide, Le calendrier du bureau politique de la NSDAP (« National-Sozialiste deutsche Arbeiter Parte », « parti national-socialiste des travailleurs allemands »), La famille Aryenne, Wolfgang Willrich, 1939.
c) Une sculpture : Le garde
(Biographie d'Arno Breker en annexes.)
Face à la menace d'une "humanité inférieure", la race germanique doit se mettre en ordre de bataille et se préparer à livrer le combat de sa survie. Le Garde, nu guerrier dégainant son glaive, est tendu vers la défense d'un patrimoine génétique.
Ce bas-relief monumental d'Arno Breker, intitulé Der Wächter en allemand, date de 1938. Il devait décorer la nouvelle capitale du Reich, Germania, qu'Hitler voulait faire construire après la guerre. Cette œuvre est aujourd'hui détruite, il ne nous en reste que des photographies.
Arno Breker était l'un des artistes préférés d'Hitler, rapidement repéré par le ministère de la Propagande. Il devient l'un des artistes de référence de l'Allemagne Nazie, mettant en scène l'esthétique du corps sain de l'homme nouveau, inspiré de l'esthétique grecque antique.
Ce guerrier arbore tous les signes de la virilité guerrière nazie (musculature impeccable, port de l'arme, visage implacable de détermination au combat), en plus d'éléments qui rappellent l'Antiquité (bouclier rond de l'hoplite, glaive du légionnaire, drapé grec).
Comme nous l'avons vu précédemment, l'art soutenu par les nazis doit exalter les valeurs traditionnelles du régime comme la pureté raciale, le militarisme, l'ordre et l'obéissance. Cette œuvre, en témoignant de l'idéal de perfection de l'homme aryen décrit par Hitler dans Mein Kampf, constitue bien un outil de propagande, visant à transmettre un message à ses observateurs, et donc la société. En reprenant les formes et idéaux esthétiques de l'art antique grec et romain, Breker s'inscrit complètement dans les critères de l'art officiel nazi.
Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que l'instauration du régime nazi en Allemagne donne naissance à un nouveau type d’art. Le mythe aryen est l’idéal du régime nazi. Hitler écrit dans Mein Kampf qu’il existe un lien de race entre Grecs, Romains et Germains et c’est sur cette supposition que s’édifie le modèle artistique du Troisième Reich : un art très largement inspiré par les canons de l'art antique. Comme nous l'avons vu, les sculptures, comme les nus de Arno Breker, la peinture, ici celle de Gerhard Keil, le cinéma, comme celui de Léni Riefenstahl, mais aussi l'architecture, la musique, tout en est imprégné. L'art participe pleinement au projet défini dans Mein Kampf, un projet à la fois guerrier et raciste. La promotion de la culture aryenne ainsi que la suppression d'autres formes de production artistique participèrent donc également à la « purification » de l'Allemagne.
L'art officiel montre la voie à suivre voulue par le régime, ainsi que les écarts à ne pas commettre. Il n’a donc pas seulement une valeur esthétique : il est avant tout un art de propagande. Il proclame haut et fort les différents aspects de l’idéologie nazie, à commencer par la pureté de la race aryenne, la virilité des hommes ainsi qu’un soutien sans faille au régime. C’est pourquoi La Chambre De La Culture, créée le 22 septembre 1933 par Joseph Goebbels et dirigée directement par celui-ci, encourage vivement les artistes exaltant les valeurs de la race allemande. L’État monopolise l'art, choisit un style, et condamne les autres.
A cet art officiel, les nazis opposent un art dit « dégénéré », expression même de l'art juif selon eux. Le postulat est simple : un individu de race inférieure produit un art inférieur et laid, qui lui ressemble dans sa laideur, alors que l'Aryen exprime dans ses représentations artistiques l'idéal de beauté qu'il incarne. La juxtaposition du type idéal aryen et du type juif vise à provoquer une répulsion pour le corps représenté comme juif. De la même façon qu'il veut purifier la « race », Hitler a pour objectif de purifier l'art allemand, en dénonçant ou détruisant les œuvres qui ne correspondent pas à l'idéal du régime, et en empêchant les artistes de créer (autodafé à Berlin en 1933, exposition Art Dégénéré à Munich en 1937, exil des artistes...).
Le contrôle exercé sur l’art, par le régime est omniprésent et total. L'art dégénéré est le genre qui permet au régime nazi d'interdire l'art moderne pour mieux conserver l'art classique, qui symbolise la pureté de la race. Toutes les peintures et sculptures se réclamant de l'art officiel ont un donc message: l’aryen pur doit être beau, grand, fort et surtout, patriotique. L'idéologie eugéniste nazie est au cœur de cet art.
Mais l'art n'est pas toujours pris en otage par un régime totalitaire, ou une idéologie. Nous allons voir dans la partie suivante comment des œuvres artistiques peuvent nous interpeler et nous mettre en garde contre les dérives et les risques de l'eugénisme.


